Un intéressante publication scientifique

Mémoire des Changements climatiques des forêts

Article publié le dimanche 20 juillet 2008 par JPP
Mis à jour le mercredi 8 février 2017
Site à visiter: INRA
Communiqué de l’INRA

Les forêts du passé : quelle leçons pour demain ?

Dans un article paru dans Science du 13 juin 2008, un chercheur de l’INRA, en collaboration avec deux professeurs d’universités américaines, fait le point sur l’apport de la connaissance de l’histoire des forêts pour modéliser son évolution future. Les changements climatiques passés, parfois très violents, ont fortement affecté les forêts. Par leurs travaux, les chercheurs de l’INRA contribuent à une meilleure compréhension des processus clés de la dynamique ancienne des forêts : survie à faible densité ou extinction lors des épisodes froids ou secs, expansion plus ou moins rapide lors des réchauffements climatiques. Ces informations sont précieuses pour tester les modèles sur la dynamique future des forêts en réponse au changement climatique lié aux activités humaines.

Certaines des avancées récentes de notre connaissance sur l’histoire des forêts sont basées sur l’intégration toujours plus poussée des données fossiles et génétiques disponibles pour les arbres. Par exemple, des travaux de caractérisation de la structure génétique de populations d’épicéas ont montré que ces arbres avaient survécu à des latitudes plus importantes qu’on ne l’imaginait jusqu’ici lors du dernier maximum glaciaire, il y a 18000 ans. Ceci a amené les chercheurs à reconsidérer à la baisse la vitesse de migration des arbres déduite d’habitude des seules données des pollens fossiles. Les informations concernant la rapidité de colonisation de la forêt ou sa capacité à se maintenir quand les conditions deviennent défavorables sont particulièrement importantes pour modéliser la distribution future des forêts. Etudier l’histoire des forêts devrait permettre également de mieux anticiper les conséquences des invasions biologiques. La comparaison à l’aide de techniques phylogénétiques des arbres présents de part et d’autre de l’Atlantique dans les forêts tropicales d’Afrique et d’Amérique du sud démontre des échanges naturels de graines entre les deux continents ; ces échanges sont certes rares mais à l’échelle géologique ils sont bien plus nombreux qu’on ne le pensait jusqu’alors. Les chercheurs ont ainsi pu constater que les forêts tropicales ne sont pas particulièrement résistantes aux invasions par de nouvelles espèces d’arbres. La capacité à reconstruire l’histoire des forêts a beaucoup progressé, grâce notamment à des approches interdisciplinaires, mais il y a évidemment des limites à ces « leçons du passé ». En particulier, il n’est pas possible de retrouver, dans l’histoire de la planète, des climats et des conditions rigoureusement analogues à celles qu’on connaît aujourd’hui ou qu’on subira demain. Néanmoins, l’intérêt de valider les modèles de dynamique des forêts avec les climats du passé reste entier car ils couvrent une gamme très large de conditions, dont certaines très différentes de celles trouvées aujourd’hui.

Les travaux récents de l’INRA qui ont permis ces nouvelles synthèses de nos connaissances ont plus particulièrement porté sur deux points : l’amélioration des méthodes pour extraire l’ADN ancien et dégradé à partir de fragments de bois, et ainsi reconstruire avec les outils de la génétique l’histoire des populations d’arbres ; et la mise en évidence que les arbres avaient pu persister au cours du dernier maximum glaciaire bien plus au nord que ce qu’on pensait jusqu’ici. Les travaux sur l’ADN ancien ont montré que de l’ADN subsistait parfois dans des fragments de bois anciens de plusieurs milliers d’années. Ces travaux ont été développés en partie grâce à l’expertise acquise par l’INRA sur l’étude de l’ADN de bois tropicaux ou de bois de chêne utilisés par la tonnellerie. Dans les deux cas, des questions de traçabilité des lots de bois se posent, soit pour contrer l’importation de bois exploités illégalement dans les tropiques, soit pour garantir l’origine de bois de chênes aux caractéristiques aromatiques réputées. Appliquées à de l’ADN ancien, ces techniques ont permis de mettre en évidence la stabilité de la structure génétique des forêts, qui est héritée très largement de celle des premiers arbres qui se sont installés dans une région et non des épisodes suivants de changements de densité des forêts. D’où la possibilité de retrouver la trace de la persistance de petites populations d’arbres dans des sites favorables y compris lors des épisodes les plus froids lors des glaciations précédentes. En collaboration avec des paléoécologues français, italiens et américains, les généticiens de l’INRA ont ainsi pu montrer que des petites populations de hêtre s’étaient maintenues dans le sud de la France, à une époque où les hommes préhistoriques peignaient des phoques et des grands pingouins sur les parois de la grotte Cosquer, au large de Marseille, et que des épicéas s’étaient maintenus à des latitudes très élevées, notamment en Alaska.

Références : Science 13 June 2008:Vol. 320. no. 5882, pp. 1450 – 1452 DOI : 10.1126/science.1155457 “Forests of the Past : A Window to Future Changes” Rémy J. Petit, Feng Sheng Hu, Christopher W. Dick

Les auteurs : Rémy Petit est Directeur de Recherches à l’INRA, dans l’Unité Mixte de Recherches BIOGECO (INRA-Université de Bordeaux I). Généticien de formation, il a aidé au rapprochement entre sa discipline et la paléoécologie. Au début des années 1990, il a largement contribué au développement des reconstructions de l’histoire des arbres à l’aide de marqueurs moléculaires. Il a ensuite coordonné des projets européens sur la phylogéographie et la paléogénétique des arbres et a dirigé les premiers travaux ayant conduit à la démonstration que de l’ADN pouvait être extrait et amplifié à partir de bois sec. Il travaille actuellement sur des projets de traçabilité du bois de chêne ou de bois tropicaux. Feng Sheng Hu, Professeur à l’Université de l’Illinois, est un paléoécologiste étudiant la réponse des écosystèmes aux changements climatiques à l’aide d’approches rétrospectives, en cherchant à reconstruire l’histoire des forêts, notamment en région arctique (Alaska). Il a bénéficié d’une bourse Aquitaine/Fulbright pour venir travailler à l’UMR BIOGECO (INRA-Université de Bordeaux I) en 2007 avec Rémy Petit. (Chris Dick, Professeur à l’Université du Michigan, est généticien, spécialiste de l’écologie et de l’évolution des forêts tropicales. Il collabore avec l’unité BIOGECO dans le cadre du projet SEEDSOURCE, soutenu par l’Union Européenne, dont l’objectif est d’améliorer la gestion des forêts néotropicales.

Rédacteur : Service Presse INRA, tél : 01 42 75 91 69 Contacts : Rémy PETIT tél. : 05 57 12 28 37 remy@pierroton.inra.fr

Forum de l'article

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    Site à visiter: les buffets à insectes

    D’après les scientifiques de Noé conservation, les arbres morts sont une source de vie pour des milliers d’espèces animales et végétales ;le bois mort se transforme en humus et assure la régénération de la forêt par des voies naturelles.

    Nous avons appris aussi une vieille technique de fertilisation du sol par le charbon de bois amélioré : la terra preta, voir lien très bien fait sur Wikipedia.

 
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