Savants encore un effort pour être des citoyens

Mon bilan du colloque "sciences citoyennes et biodiversité"

Article publié le jeudi 3 décembre 2009 par JPP
Mis à jour le mercredi 8 février 2017
Site à visiter: Site du colloque
Organisé à Montpellier les 22 et 23 Octobre 2009 par Tela Botanica

Différentes expériences françaises et une expérience belge de science participative ont été présentées.

Des débats assez riches ont eu lieu, très consensuels…

La vidéo du colloque est accessible sur le site et permet donc d’évaluer la teneur des débats.

Fondée au départ pour coordonner les efforts des botanistes professionnels français en utilisant les ressources d’Internet, Tela Botanica s’est aperçue en cours de route qu’il fallait faire appel aux amateurs :

1/ Les spécialistes amateurs de telle ou telle espèce sont souvent les plus compétents dans leur matière (cf entomologie où 50% des nouvelles espèces sont décrites par des amateurs) ;

2/ La dimension du réseau est démultipliée.

Cette expérience est largement recoupée par les autres expériences présentées. Il y a parfois des craintes sur la validité des résultats ou leur pertinence mais les faits sont là :

  • le fruit des recensement de Tela Botica est diffusée sous licence "libre" (creative communs) ; le référentiel officiel français en matière de botanique, s’il est contrôlé par les scientifique, est largement le fruit du travail des amateurs.
  • le réseau mis en place par l’association française d’orchidophilie , constitué de 3000 observateurs et de 100.000 points d’observation aboutit ces temps-ci à la sortie d’un Atlas officiel des orchidées de France
  • etc…

Les scientifiques du domaine des sciences de la nature se sont donc emparés de la "puissance de feu" que constitue le couplage internet/bénévoles. Ces dispositifs continuent le travail des sociétés savantes du XIXème siècle mais dans un autre contexte et moins de ségrégation sociale.

Cela suffit-il pour changer les rapports des scientifiques avec le public comme le voudrait la fondation sciences citoyennes présente en la personne de Claudia Neubauer ? Le colloque prouve qu’on est encore loin du compte malgré les interventions vivifiantes de gens comme Florient Lamiot de la région Nord Pas de Calais.

Admettons que les scientifiques qui s’engagent dans cette voie ont le mérite d’affronter l’hostilité de la partie la plus conservatrice de leur corps de métier. Ils peuvent avoir des difficultés à publier leurs travaux, voir leur carrière entravée..Mais j’ai noté plus que des réticences à accepter que des résultats intermédiaires soient publiés comme le voudrait le nécessaire retour des informations vers ceux qui les produisent. Et que dire des cris d’orfraies quand Claudia Neubauer a exposé les trois possibilités de création de protocoles de science participative :

  • par les scientifiques ;
  • en commun par les scientifiques et les bénévoles ;
  • par les bénévoles seuls (là ça coince très fort).

Les bénévoles ne sont souvent qu’une piétaille qu’on va recruter avec des méthodes de marketing (j’ai dit par ailleurs ce que je pense de Noe Conservation et de ses sponsors, mais ce n’est pas un exemple isolé). Pas question donc de toucher au monopole de la formulation des questions scientifiques par les chercheurs .. Il me semble que ce serait pourtant un nécessaire prélude à la remise en cause d’une science "aux ordres" et de plus en plus soumise aux impératifs de la rentabilité immédiate et des partenariats avec l’industrie….avec les dégâts, notamment, environnementaux , que l’on sait.

Florent Lamiot évoque avec humour l’histoire de ce spécialiste appelé à évaluer un terrain pour le passage d’une autoroute : résultats biaisés par les conditions météo, superbe mépris des mises en garde des autochtones et…catastrophe à l’arrivée.

J’ai en souvenir l’ambiance d’autres colloques, ceux de l’INRA par exemple. Celui sur le sol, scientifiques devant, agriculteurs derrière, se regardant avec méfiance et n’échangeant rien….Ils connaissent quant-même un peu leur sol,les agriculteurs. Dans les années 50, on a vu un directeur de l’INRA, Raymond Fevrier, aller dialoguer avec André Pochon, en Normandie, et prendre en compte sa technique herbagère de production laitière…

Dans un livre de souvenirs, Claude Bureaux (jardinier au Jardin des plantes ) explique comment le dialogue entre jardiniers et scientifiques de terrain s’est progressivement éteint depuis que les botanistes sont devenus des botanistes de laboratoire.

Science participative n’est pas donc nécessairement science citoyenne. Savants, encore un effort pour être des citoyens…

Post-Scriptum

J’ai retenu du colloque l’expérience qui a l’air très riche des nichoirs à rapaces de l’association Zoodysée dans les Deux sèvres, qui associe, exemplairement agriculteurs, enfants des écoles et CNRS.

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