Avec un billet d’humeur à propos des "écolos rigides"

Au sommaire de La garance voyageuse n°75

Article publié le dimanche 26 février 2006 par JPP
Mis à jour le jeudi 1er février 2007
Automne 2006

La feuille, un organe polymorphe et multifonctionnel

La gestion différenciée des espaces verts (je compte revenir sur cet article dans un autre…article de ce blog)

La classification des plantes

Un cours d’arboriculture en 1888

Le vin d’angélique

L’herboristerie aujourd’hui

Le chêne à feuille caduque

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Forum de l'article

  • Billet de (mauvaise) humeur
    2 novembre 2006, par JPP le jardinier

    La gestion différenciée une chance pour la nature en ville.

    Cet article présente au lecteur ce moyen de gérer les espaces verts de manière écologique, en économisant l’eau , en évitant d’employer des végétaux produits dans des usines dispendieuses en énergie, à longue distance de leur lieu de destination, à coup de pesticides,etc..Un mode de gestion qui fait appel à des techniques agricoles (les pelouses font place à des prairies de fauche, etc…). On obtient ainsi des espaces à forte biodiversité.

    On ne peut qu’être d’accord avec cette idée, brillament mise en pratique à Lyon.

    Ce n’est donc pas tellement le contenu, à deux détails près, que la forme qui provoque ma mauvaise humeur à la lecture d’un tel article.

    D’abord le jargon technocratico-pseudo-scientifique : "les objectifs sont le résultat d’une réflexion qui croise les critères sociaux, économiques et écologiques comme les démarches d’analyses réalisées dans le cadre du développement durable","une classification appropriée des espaces selon une hierarchisation des différents critères et enjeux"., etc…

    Puis le caractère normatif du discours : "il convient toutefois de rester prudent sur ce sujet"…

    Ca sent le chef de service qui s’adresse à son subordonné : "vous voudrez bien…".

    Il existe une race d’écolos qui savent pour les autres et qui m’agace prodigieusement. Surtout quand ce savoir est approximatif : "d’autres secteurs peuvent bénéficier d’une maintenance qui leur confére une caractère plus authentique". Qu’est-ce que recouvre ce puissant concept d’authentique ? Quels en sont les critères ?

    J’ai appris, par voie d’affiche, que si l’avenue Jean Jaurès à Paris a été dotée qu’un large secteur piétonnier et d’une voie cyclable , c’est grâce aux Verts, qui se se fait "porteurs du projet". Voilà à nouveaux nos chefs de bureaux qui parlent pour les autres. On a connu l’époque heureusement révolue où un parti prétendait avoir le monopole de la représentation de la classe ouvrière, on a connu les petits profs rouges après Mai 68, on a maintenant des ayatollahs verts.

    Je ne suis plus étonné, lorsque j’ai rendez-vous avec des gestionnaires écolos,de les voir arriver en 4X4, téléphone satellitaires, ordinateur dernier cri.

    J’ai encore en mémoire ceux qui me faisaient gentiment visiter la vallée du Ried : "t’as vu, dis l’un à son copain, le culto avec sa remorque de gravas, t’as pris son numéro ?".

    (Que l’auteur de l’article ,ne m’en veuille pas trop, il n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase).

    Conclusion : "cette modification ne doit en aucun cas donner l’impression au personnel que leur savoir horticole est remis en question"…"la justification doit être assimilée et portée par les agents".Notre chef de service est bien là, et son vocabulaire standard ("porter").

    Deux remarques maintenant sur le fond.

    1/"il est préconisé de choisir parmi les espèces locales"…"qui participent à l’authenticité des paysages recréés".

    Cette "authenticité" (la revoilà) me fait penser à l’AAAA (association des authentiques amateurs d’andouillette) et non pas à l’AAA (atelier d’architecture autogérée de l’ami Constantin Petcou).

    Le débat sur les plantes locales n’est pas un débat "local". Il a fait fureur il n’y a pas longtemps sur la liste de diffusion des architectes paysagistes américains LarchL. Je me suis senti en accord avec ceux qui,à l’intérieur de ce débat,ont caractérisé le terrorisme de la plante "locale" à tout pris comme point de vue néo-romantique.Disons le tout net, la plante locale c’est un phantasme.

    Qu’est-ce qu’une plante locale ? En France presque tout vient d’ailleurs : du bassin méditerranéen, d’Orient, d’Amérique. Comment classe-t-on le robinier faux accacia, qui n’est là que depuis 400 ans ? A Paris, le yucca s’est remarquablement acclimaté sur la voie de l’ancien train de petite ceinture, et il essaime partout àl’entours. Magnifique fleurs en Octobre. N’a-t-il pas sa place ici ? Au moment où l’on est en recherche de mixité et de cohabitation des comunautés humaines, faut-il revenir à la "pureté" de la race végétale ? (se méfier et se prémunir contre les pestes, c’est autre chose).Le climat se charge bien, d’ailleurs, de remettre la pendule à l’heure.

    2/ "L’exportation des prairies de fauche est vivement conseillée". Comprendre : réutilisée sur place, elle va enrichir le sol en azote, or biodiversité rime avec pauvreté du sol. Notons qu’on abandonne tout à coup et les moyens d’obtenir une "bonne prairie de fauche" (voir Gérard Ducerf, "Les plantes bio-indicatrices") et la limitation des transports.

    Au bénéfice de quoi ? L’écolo va sans doute pouvoir nous faire admirer son savoir en dégotant des plantes rares. Qu’il va cueillir pour mettre dans son herbier ou dans son jardin (lui il peut, il a le savoir) tout en interdisant soigneusement aux autres d’y toucher.Bref, l’écolo veut une réserve naturelle en bas de son immeuble pour cadres moyens.

    Je ne suis pas systématiquement contre (j’aime bien la réserve ornithologique sur les hauteurs de Montreuil en banlieue parisienne). Mais le jardinier petit fils de paysan que je suis a mal pour le sol qu’on abandonne et qui, ainsi négligé, ne peut qu’aller à une stérilité totale (relire Gérard Ducerf encore une fois).

    La biodiversité est plus sous la surface de la terre qu’au-dessus. On est loin d’avoir encore répertorié toutes les espèces qui vivent dans le sol. Il y a , en général, plus de biomasse sous que sur la terre ("Le sol vivant", université de Lausanne). Si toutefois,on laisse la terre vivre.

    Le citadin (sans avoir besoin d’être "porté") remet en cause la conception hausmanienne des espaces verts. C’est vrai. Mais ce qu’il veut , c’est : ne plus se contenter de sa fenêtre ou de son balcon. Il veut mettre la main à la pâte. Il veut mettre la main à la terre. Des jardins partagés feurissent dans toutes les grandes villes françaises. Je suis reconnaissant à Monsieur Contassot et donc aux Verts d’avoir obtenu que plus un espace vert ne s’ouvre à Paris sans jardin partagé. Je me prends à rêver à des villes telles que celles d’ex-Allemagne de l’Est, où les circonstances historiques ont fait que subsiste un très large tissu de "Kleingärten". Contrairement aux jardins ouvriers français,il est permis de s’y promener. On peut ainsi traverser une ville comme Rostock sans pratiquement sortir de ces jardins.Voilà un projet dont j’aimerais être à Paris. Non pas le porteur, mais un acteur parmi d’autres.Comme pour les semences, le salut ne viendra que des amateurs authentiques.

 
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