Garance voyageuse n°83

Les nettoyer pour les débarrasser rapidement des freins psychologiques comme les racines paysannes et les idées de ces réfractaires qualifiés de passéistes et de rétrogrades.

Les faire dégorger lentement (pendant 1 1 ans ènviron) pour venir à bout des scories funestes comme celles des peurs ataviques, en comparant (abusivement) ces avancées technologiques avec la domestication des céréales cultivées et leur sélection réussie depuis 12 000 ans.

Ensuite, les blanchir à l’eau salée pour révéler quelques arguments publicitaires comme : la fin de la faim dans le monde,l’adaptation à la sécheresse de plantes habituellement irriguées. très, très abondamment, ou décrocher la timbale avec des plantes OGM-médicaments cultivées en plein champ pour lutter contre les maladies (sic et re-sic).

Les laisser tiédir en les emballant dans un moratoire de 1998 à 2001 pour ramollir la peau qui peut s’avérer dure. Les éplucher alors superficiellement, en évitant d’atteindre la chair, une directive européenne 2001-18 qui organise, entre autres, la coexistence (très improbable pacifiquement et scientifiquement) des cultures avec OGM et sans OGM. Payer au passage quelques millions d’euros d’amendes (300 000 Euros par jour) pour ce manquement. Réserver les meilleurs morceaux pour des << expérimentations scientifiques >> en plein air conduites principalement par des entreprises très intéressées par les résultats, les perspectives du marché et les dividendes réclamés par leurs actionnaires.

Assaisonner ces essais d’une consultation publique sur l’Internet, et même si 90 % des réponses sont négatives, les secouer avec habileté pour faire apparaître une approbation positive. Mystère de la cuisine moléculaire ! Un moyen plus sûr et efficace est de lancer une consultation publique entre le vendredi l 3 juillet et le vendredi 3 août 2007, un chassé-croisé hautement démocratique à une période d’affluence et de mobilisation citoyenne très active.

Laisser mijoter à feu doux. Réserver le jus obtenu. Le faire réduire lentement pour éliminer le goût amer du principe de précaution dont l’application empêcherait de faire de si belles affaires.

Le passer ensuite au Grenelle, qui est un appareil de l’époque moderne dont on fête le 40ème anniversaire cette année justement. Le Grenelle est une sorte de tamis couplée à une centrifugeuse : le brassage d’idées ainsi réalisé impressionne toujours, donne le change et projette haut et fort et en tous sens des idées intéressantes et généreuses. . . mais qui ne seront pas appliquées.

Rectifier l’assaisonnement en activant une clause de sauvegarde vis-à-vis du seul maïs transgénique Mon810 jusqu’alors cultivé en France. (20 000 ha en 2007) provenant de la firme Monsanto, une concurrente des multinationales << européennes >> comme Biogemma, Pioneer ou Syngenta. Cependant, avec l’autre main libre, laisser sans contrainte se déverser dans l’estomac de nos animaux d’élevage les importations de ces PGM.

Faire un bouillon avec les restes, puis incorporer un épaississant pour les dossiers du nouveau Haut Conseil des Biotechnologies qui sera constitué de ceux qui savent et qui décident : les scientifiques. Les autres ignares (c’est-à-dire nous tous) réunis dans la gamelle de la société civile, pourront seulement émettre quelques recommandations.

Déglacer le bouillon et verser sur les instances politiques, économiques et syndicales les plus favorables. Remettre tous les morceaux, le jus et le bouillon, et faire mijoter quelques semaines au Parlement. Voici les résultats du vote de nos marmitons 249 cordons bleus pour, 228 contre, 31 abstentions.

Laisser gonfler la préparation dans une pièce tiède (par exemple, une maturation au Sénat serait bien adaptée).

Décorer de quelques amendements rendant inopérants ceux qui prévoyaient un suivi particulier, voire une limitation ou des contraintes spécifiques des cultures de PGM dans des secteurs particuliers comme les AOC, les Parcs naturels ou l’agriculture biologique.

Puis, dresser sur un plat allant au four, régler le thermostat sur feu vif, en prévoyant quelques punitions pour les Faucheurs volontaires. Fourrer-les avec un délit de fauchage (2 ans de prison et 75 000 Euros d’amendes pour des cultures commerciales, augmentées à 3 ans et l50 000 Euros pour des essais en plein champ qualifiés de ’’scientifiques’’). Auparavant, cette destruction de biens << en réunion >> méritait déjà à peu près le même tarif pénal.

Représenter rapidement (en mai) au Parlement ce plat en deuxième lecture, avant de le servir tout chaud et tout fumant.

Pour accompagner ces mets, choisir un breuvage donnant du courage et préparant l’estomac pour la suite. Ce numéro de La Garance vous y aidera : gentiane apéritive, bière ou nectar des dieux comme l’ambroisie. Veiller, quand même, à ne pas rouler au sol, ce milieu assez méconnu, ni sombrer dans les marécages, ces milieux entachés à tort de beaucoup de turpitudes. Pour les abstinents, un délicieux sirop de sève d’érable diluée fera l’affaire. Je nous souhaite, malgré tout, une bonne digestion, certains disent aujourd’hui à la place de bon appétit, bonne chance !

A vos fourneaux !